Les mobilisations actuelles, loin de ne concerner que des métiers ou des
fédérations d’industrie particuliers, touchent bien au contraire les
intérêts de tous les travailleurs. Car ce qui se joue aujourd’hui, c’est
un projet de société. Deux logiques s’affrontent : celle d’une répartition
solidaire et égalitaire des richesses et d’une réelle protection sociale
contre celle de l’éclatement des solidarités et des normes du travail pour
imposer l’individualisme et le chacun pour soi.
En tant que travailleurs des médias, nous sommes directement (voire
prioritairement) concernés : précarisation rapide et massive de nos
conditions de travail (piges, CDD, Agessa, externalisations, etc.),
transformation économique de nos secteurs (concentration, productivité,
satisfaction des actionnaires, LBO, etc.) et développement d’outils
technologiques (notamment les logiciels comme Convoy ou Method)
s’accompagnant de la suppression de métiers et d’emplois.
Sans compter le rôle des média qui loin de toute indépendance (ce qui nous
rappelle une campagne actuelle de l’intersyndicale des journalistes) s’en
prennent aux grévistes sans aucun remord...
Toutes ces évolutions posent de graves questions.
• Comment peut-on nous demander de cotiser plus longtemps (l’allongement à
41 annuités de cotisations est valable pour tous) sans prendre en compte
nos périodes fréquentes de chômage, alors que travailler aussi longtemps
dans nos métiers est de plus en plus difficile, voire impossible ?
• Que nous demande-t-on de faire des heures supplémentaires pour gagner
plus, alors que dans nos métiers les salaires augmentent peu (en dehors
des dirigeants et des actionnaires, bien entendu), que la rémunération et
la tâche ou au feuillet devient la règle et que le temps de travail est
bien souvent un leurre ?
• Comment peut-on nous expliquer qu’il va falloir se payer des
complémentaires santé pour pallier le déficit de la Sécu , alors que
nombreux sont les précaires qui n’arrivent déjà pas à se payer une
mutuelle ?
On nous parle de développement de la flexibilité quand la précarité est
déjà reine dans nos métiers.
On nous parle de croissance, de développement économique et de créations
d’emplois quand les plans sociaux se succèdent (groupe Tests, Libération
récemment, Hachette déjà annoncé, Les Echos ou La Tribune à venir, et plus
encore), les suppressions de journaux "non rentables" se multiplient et
les externalisations des m"tiers ne se comptent plus.
On nous parle de liberté de la presse alors que les divorces et
gesticulations médiatiques de Sarkozy et ses troupes font la une des
titres, et que les enquêtes de fond, par exemple sur la question des
régimes spé_ciaux, se font de plus en plus rares sous la pression des
politiques et des capitaux.
Alors pourquoi aujourd’hui les travailleurs de la presse ne se
mobiliseraient-ils pas aux côtés des autres travailleurs pour défendre
leurs intérêts communs et imposer un projet de société solidaire et
égalitaire ?
Certains penseront que le rôle des médias est d’informer et que la grève
est impossible... Et pourquoi ? Serions-nous les artisans de notre propre
service minimum ? Nous pensons-nous si indispensables, si nécessaires au
"peuple" qui aurait besoin de nous pour comprendre ? Que penser de
l’offensive générale antigrévistes qui sévit ans les médias depuis le
début du mouvement notamme dans les transports ? N’est-ce pas justemen le
moment de relancer et de porter haut et fort la question de l’indépendance
de la presse et des moyens pour la défendre ?
Chiche, faisons grève et apportons notre savoir-faire au mouvement :
rendons-nous sur les piquets de grève pour aider les grévistes dans leur
communication, maquettons des tracts ou des affiches, réalisons des
journaux de grève interprofessionnels, photographions, dessinons, créons
des blogs et des sites d’information !
Cessons de subir le chantage à l’information et, pour une fois, échappons
à la terreur économique pour libérer la parole. Et sûrement que d’être
auprès des "vraies gens", dans leur vie et leur lutte quotidienne,
rapprochera les "citoyens" des journaux et des journalistes, et qu’ils
cesseront de nous voir, malheureusement souvent à juste titre, comme des
ennemis, des artisans de la désinformation.
Voilà les bases sur lesquelles le SIPM-CNT aurait aimé appeler à la
grève... Mais voilà aussi ce que l’on nous empêche de faire : dans notre
chère démocratie, la liberté est cadrée et les syndicats comme le nôtre
n’ont pas la représentativité légale qui leur permettrait de le faire.
Alors en attendant d’avoir un jour les mêmes droits que les autres
syndicats, nous appelons là où nous le pouvons à la grève et, pour le
reste, souhaitons que les "organisations représentatives" donneront aux
travailleurs l’occasion, la possibilité d’être solidaires en appelant à la
grève.