L’administration présente souvent l’entretien de manière ambigüe, laissant penser aux agents qu’il est obligatoire. Il également est abordé dans les services comme un rite incontournable. Pourtant, l’article 2 du décret n°2007-1365 du 17 septembre 2007 portant application de l’article 55 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, précise que « L’agent bénéficie chaque année d’un entretien professionnel qui donne lieu à un compte rendu » . Cela signifie que les agents, qu’ils soient contractuels ou titulaires, sont libres d’y participer ou pas. En revanche, l’obligation est faite au supérieur hiérarchique de fournir un compte rendu dont on peut demander la révision.
Si l’entretien a lieu, il se déroule avec le supérieur hiérarchique direct, qui fixe une date d’entretien en accord avec l’agent. Le délai minimum est de 15 jours avant la date prévue pour ledit entretien. Le supérieur hiérarchique doit également remettre les documents permettant de préparer ce moment « privilégié » dans la vie de chacun et chacune d’entre nous. On a pu constater que certains supérieurs hiérarchiques ne respectent pas toujours cette règle et proposent des périodes de rendez-vous quand cela les arrangent, dans un délai inférieur à 15 jours. Pourquoi seul l’agent devrait-il en subir les contraintes ? L’entretien d’évaluation n’est ni un rendez-vous entre amis, ni une rencontre de courtoisie.
Il s’agit bien d’un exercice où le rapport de force est inégalitaire et où, au final, le seul qui décide c’est le supérieur hiérarchique, qui a tout pouvoir sur la carrière des agents, leur formation et bientôt sur leur salaire (c’est déjà le cas en matière d’avancement pour les titulaires ou de revalorisation salariales pour les contractuels). Cette pression est d’autant plus forte lorsqu’il s’agit d’agents contractuels pour qui la situation est évaluée tous les ans, avec en point de mire une porte de sortie toujours grande ouverte !
Par ailleurs, les décisions qui donnent les nouvelles orientations de la PJJ avec leur flot de restructurations et fermetures de postes sont elles, bien appliquées, même avant les échéances fixées (fin du civil, fin des protections jeunes majeurs, mise en place de l’activité de jour en lieu et place de l’insertion, etc)
Si un doute subsistait sur l’objectif de cet entretien, il suffit de lire la rubrique « les enjeux » du petit guide remis par l’administration en guise de préparation. Deux phrases sont clairement mises en caractère gras « L’entretien professionnel est un instrument déterminent du management par objectif de la structure. » et « l’entretien professionnel est aussi une technique de management individuel ... ». Nous savons les dégâts que le management fait dans le privé, et aussi de plus en plus dans le public.
A quoi sert l’évaluation ?
Si l’entretien professionnel est présenté comme un moment privilégié d’échanges entre l’agent et son supérieur hiérarchique, il est bon de rappeler que les entretiens d’évaluation ont été un moyen de casser tous les acquis collectifs gagnés à la fin des années 70. En effet, il ne s’agit plus de réfléchir en équipe, mais d’infantiliser et d’isoler chaque agent, à qui on fait croire que les solutions se trouvent auprès de son chef, qui aurait les « compétences » pour l’aider à penser son travail. Et cette méthode a fait ses preuves. Le terme d’équipe a disparu des textes et projets de service. _ On renvoie à chaque agent la responsabilité (voire la culpabilité) individuelle de ses réussites (si tant est qu’elles soient mesurables) et de ses échecs. La réussite ne réside que dans un devoir d’obéissance à des objectifs assignés qui répondent rarement à des projets pensés pour le travail à effectuer -directement ou indirectement- auprès des jeunes. De plus, au regard de l’état de notre administration aujourd’hui, quel projet, en dehors de l’application de la RGPP et du tout répressif, a une garantie de voir les moyens mis en œuvre pour sa réalisation ?
Ne nous y trompons pas, l’entretien d’évaluation n’apporte rien aux agents, si ce n’est un moment privilégié de stress et d’angoisse qui peuvent même induire certains comportements comme la délation envers certains collègues. Qu’elle soit individuelle ou collective, l’évaluation des personnes n’améliore en rien la qualité du travail. Ce dont nous avons besoin, c’est pouvoir valider ou invalider des pratiques de travail en restant libre s d’exprimer nos difficultés, sans que cela n’aient de conséquences sur un avancement ou une appréciation qui restera subjective puisqu’elle dépend de l’évaluateur.
Nous devons continuer à résister pour garder ou retrouver des pratiques collectives qui seules nous permettent de continuer à imaginer et à créer. L’imagination ne se trouve pas sur la fiche de poste !.
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Publié le : | 6 juin 2011 |
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