Abandon du Livret de Surveillance Unique

Non au fichage !
Non à la subordination de nos pratiques !

La numérisation et la centralisation des informations recueillies au sein du "livret scolaire unique", que veut nous imposer le gouvernement, est plus qu’un simple changement de support. Elles induisent une transformation profonde dans les pratiques d’évaluation des enseignant.es mais aussi dans la destination des informations ainsi réunies sur les élèves.

BMP

L’escamotage récent du N (de numérique) du sigle LSUN dans la communication de l’institution scolaire n’est à ce titre pas anodin. Cela permet de détourner l’attention des craintes légitimes que l’on peut avoir lorsqu’on parle de recueil systématique et centralisé de données personnelles concernant les enfants.
Nous exposons ici les raisons majeures pour lesquelles nous exigeons le retrait et l’écrasement de ce nouveau livret qui nous apparaît comme un outil de fichage généralisé. Nous appelons tous les parents à manifester leur opposition par courrier et tou.tes les enseignant.es à refuser de le remplir.

Simplification de l’évaluation ?

Remplir le LSUN se résume ici encore à cocher des cases censées évaluer le degré d’acquisition des apprentissages. Or évaluer, c’est toujours situer les enfants par rapport à une norme, pour mieux les comparer et finalement les orienter. Nous ne défendons pas le système des notes ni les livrets papiers. Notre métier ne se résume pas à cocher des cases et évaluer des compétences. Grandir et apprendre à vivre ensemble impliquent des processus complexes, qui prennent du temps et nous échappent la plupart du temps. Et c’est tant mieux, nous ne pouvons et ne voulons pas tout maîtriser.

A fortiori, nous ne défendrons pas non plus un système d’évaluation d’acquisition de compétences qui se veulent très larges (tels « l’étude de la langue »), censés rendre compte de la complexité du processus d’apprentissage. Non, les élèves n’apprennent pas de façon uniforme et linéaire et ne progressent pas au même rythme dans tous les types d’apprentissages. Ce système uniformisé d’évaluation par compétences révèle d’ailleurs son vrai visage avec la transformation de pourcentages d’acquisition en note ou par un système de points, au Brevet des collèges par exemple.

Respect des choix pédagogiques !

Avec ce livret et le système d’évaluation qu’il impose, on franchit une étape supplémentaire dans la mise au pas de nos pratiques pédagogiques et du quotidien dans nos classes. Cette volonté du Ministère de nous imposer des outils n’est pas nouvelle, mais elle doit être interrogée. De quoi veut-on nous déposséder ?

Imposer ce livret représente pour certain.es une surcharge de travail. C’est une entrave à notre liberté pédagogique, à notre capacité à réfléchir en équipe à ce que nous mettons en place dans nos classes pour nos élèves. C’est collectivement, avec toute la communauté éducative (AVS, animatrices/eurs, parents, Asem, enseignan.tes, agents techniques...) que nous devons élaborer nos outils pédagogiques.

Sans respect pour les modes de fonctionnement alternatifs, ce type de pilotage nous empêche de nous interroger sur les finalités de nos missions éducatives. A quoi sert l’école ? Doit-elle uniquement servir à réussir des diplômes et trouver un emploi ? Avons-nous besoin d’être évalué.es pour apprendre à parler ou à marcher ? Pour acquérir les savoirs essentiels à la vie et à la socialisation ?

Simplification de la transmission ?

S’agit-il de fournir aux familles des évaluations plus lisibles ? Rien n’est moins sûr. Rien ne remplace la rencontre et l’échange verbal, notamment avec les familles les plus éloignées du système scolaire ou avec les autres enseignant.es. Plutôt que de dépenser des sommes folles dans l’achat de logiciels et l’entretien de serveurs, nous revendiquons une vraie reconnaissance, logistique et salariale, du temps nécessaire aux enseignant.es pour communiquer avec les familles et les autres professionnel.les.

Loin d’être plus lisible, le livret numérique permettra à terme à l’institution et à nos hiérarchies d’avoir un outil statistique uniformisé sur nos pratiques enseignantes. L’éducation à la mode statistique et bureaucratique se prépare à passer une nouvelle étape.

Un vrai outil de fichage !

Le livret papier, que l’on donnait directement à la famille, passe avec la mise en ligne par un nouvel intermédiaire : l’État. Les élèves, les parents et les enseignant.es ne sont plus les seuls destinataires des données contenues dans ce support. Et c’est là l’un des principaux dangers. Couplé avec Base-Élèves ou Sconet, le LSUN apporte des informations sur la scolarité, les absences et retards, la santé et les handicaps (PAP, PAI, PPS) de nos élèves...

Elles deviennent ainsi accessibles à de nombreuses institutions : mairies – quelle que soit l’étiquette politique – police, justice, sous couvert du « secret professionnel partagé » instauré par la loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007, du « droit de communication » instauré par la loi du 7 mars 2016 concernant le droit des étrangers en France ou de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011 qui facilite les interconnexion de fichiers entre les administrations... C’est-à-dire que des informations renseignées par nos soins dans ces livrets pourraient se retourner contre nos élèves dans un cadre dépassant l’école ! Le rapport de confiance avec les élèves et leur famille est rudement compromis...

Protection des données personnelles et droit à l’oubli

Toutes ces informations sont enregistrées, conservées, mettant ainsi à mal le droit à l’oubli dont devrait bénéficier nos élèves. Or nous revendiquons pour eux le droit à l’enfance. C’est-à-dire le droit à grandir en tâtonnant, en expérimentant et parfois en commettant des erreurs qui font pleinement partie du processus d’apprentissage. Les événements et les aspérités qui marquent leur enfance ne doivent en aucun cas être utilisés par d’autres pour déterminer leur vie future.
Les familles ne sont absolument pas informées de cette appropriation par l’État des données personnelles concernant leur enfant. Elles doivent pourtant l’être et savoir qu’elles peuvent refuser ce fichage, conformément à l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 sur l’informatique et les libertés, qui prévoit que toute personne « a le droit de s’opposer pour des motifs légitimes à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

Boycott du livret et construction d’une école véritablement émancipatrice
Nous ne pouvons qu’appeler au boycott d’un livret qui nous éloignerait des familles en fichant les élèves et qui dessert nos pratiques pédagogiques. Enseignant.es et parents doivent refuser ensemble de participer au fichage des enfants. C’est déjà le cas de certain.es qui ont fait le choix de ne pas remplir ce livret ou de s’opposer par courrier à ce qu’il soit renseigné concernant leur enfant.

Pour la réussite de nos élèves, voici des solutions préconisées depuis longtemps : beaucoup moins d’élèves par classe (maximum 20 en REP), un vrai RASED, l’allègement des programmes pour qu’ils soient moins académiques et plus polytechniques, la suppression des examens et de la sélection, la titularisation et la formation des personnels précaires embauchés, la reconnaissance et la pérennisation des AVS, le salaire et la formation qui vont avec...

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Auteur : CNT STE 75
Publié le : 23 janvier 2017
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