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Le 30 octobre dernier, Jean-Michel Blanquer a officialisé la création de la « mission Mathiot », chargée de « réfléchir » à la réforme du lycée et du baccalauréat. Depuis, des informations sur la future réforme nous sont arrivées au compte-goutte, au rythme des auditions des syndicats et autres associations de professeurs. Certain-es voient dans ces divulgations à bas débit une preuve de l’amateurisme et de l’empressement qui caractérisent cette nouvelle réforme, d’autres ne pourront s’empêcher de penser que cette dernière est déjà, dans les grandes lignes au moins, écrite là-bas, quelque part au ministère.
Le nouveau ministre de l’Éducation aura vite rallié les prétendus experts médiatiques, commentateurs en tout genre et autre chiens de garde des politiques d’austérité. Ceux-celles-ci décrivent un ministre qui « tâtonne » et « expérimente », comme un grand innovateur en passe d’engager une réforme d’envergure – la réforme « la plus sociale » et « progressiste » depuis 20 ans, selon M. le Ministre ! Déjà la rhétorique conservatrice resurgit : toute critique de fond de M. Blanquer est réduite au corporatisme enseignant et aux rigidités syndicales de fonctionnaires peu préoccupés de l’intérêt des élèves. Ainsi, l’ancien président des Cahiers pédagogiques, Philippe Watrelot, s’inquiète de la « surenchère syndicale » ; tandis que François Dubet, éminent sociologue d’État, fustige, du haut de ses 71 ans, « les anciennes idéologies usées ».
Ce discours antisyndical est assez habituel lorsque l’objectif de celles et ceux qui le tiennent est de dégrader le fonctionnement d’un service public. Néanmoins, on ne peut que s’inquiéter que le corporatisme d’un Blanquer, lui, ne soit jamais pointé du doigt. Ce corporatisme de haut fonctionnaire qui défend les intérêts d’un État gestionnaire, d’un État qui compte ses sous, qui évalue l’efficacité de son action en fonction d’indicateurs technocratiques sans aucune considération pour les conséquences de ces coupes budgétaires. Le règne de la technique est parmi nous et il nous ordonne, comme le voulait l’économiste libéral Hayek, de « détrôner la politique ».
S’il est évidemment nécessaire de changer le lycée, le baccalauréat, ou l’enseignement supérieur, pourquoi réformer en diminuant les moyens ? Alors que le mot « réforme » implique une amélioration de l’existant, on nous cuisine une énième « réforme » ayant pour but de réaliser des économies sur le dos de celles et ceux qui ont le plus besoin des services publics. La recette est menée de main de maître : d’un côté, des économies substantielles à venir via la suppression de nombreuses heures d’enseignement ; de l’autre, la possibilité d’une mise en concurrence entre les établissements, en fonction des parcours proposés. Dans les deux cas, les victimes désignées sont les publics des classes populaires, déjà déshabillées des dispositifs d’éducation prioritaire : aucun lycée n’a à ce jour intégré les Réseaux d’Éducation Prioritaire remplaçant les dispositifs antérieurs.
Parce qu’avec la baisse des horaires au lycée, de 27,5 h en première et 29 h en Terminale jusque-là (sans les options), à 25 heures en première et Terminale après la réforme, c’est une diminution sensible qui, d’après l’Apmep (Association des Professeurs de Mathématiques de l’enseignement public) devrait engendrer une réduction d’environ 25 000 emplois d’enseignants (soit une baisse de 17,6 % des enseignant-es de lycée).
On trouve ici une explication de la baisse de 20% des postes ouverts au concours 2018 : elle n’est pas, contrairement à ce qu’essaie de nous faire croire M. Blanquer, une conséquence des postes non pourvus aux concours les années précédentes, mais bien une mesure budgétaire visant à réduire le coût de l’enseignement secondaire public, d’autant plus inquiétante que le nombre d’élèves a fortement augmenté ces dix dernières années.
Cette réduction des coûts est devenue le lot commun de la politique française et de la gestion publique qui considère l’État comme une entreprise chargée de gagner la « bataille de la performance », selon les termes guerriers utilisés par MM. Migaud et Carrez dans leur rapport d’information à l’Assemblée Nationale du 24 juin 2009. A ce titre, cette réforme du lycée est dans la droite ligne des réformes déjà menées dans l’éducation : réforme des rythmes scolaires, réforme du collège, réforme des statuts…
La gestion publique actuelle inverse totalement la hiérarchie entre le public et le privé, au point que l’État tout entier vient à être pensé presque uniquement pour ce qu’il peut apporter au privé. Elle ne pourrait véritablement advenir sans l’action implacable de ces bureaucrates de vocation qui, comme l’actuel ministre de l’Education M. Blanquer, passent d’institution publique en institution publique et mettent à chaque fois tout en oeuvre pour rendre leur petit monde bureaucratique de plus en plus indépendant du contrôle populaire.
Cette nouvelle politique de destruction du service public d’enseignement fragilisera un peu plus la Seine-Saint-Denis. Celle-ci connaît pourtant la poussée démographique la plus importante de France métropolitaine, de la maternelle à l’université, sans les moyens humains et matériels nécessaires. Aussi, en ce début d’année, nous formulons nos vœux pour une école progressiste, émancipatrice et égalitaire. Et pour défendre les moyens alloués à nos établissements, rassemblons-nous dès le 8 février, à l’AG des collèges et lycées mobilisés !
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Publié le : | 22 janvier 2018 |
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✚ District 4 - janvier 2018
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