Quelles sont les grandes lignes du projet de cette nouvelle « loi travail puissance 10 » ?

Emmanuel Macron nous l’a annoncé : il ne veut pas perdre de temps pour sa nouvelle réforme du droit du travail. En ardent défenseur du capitalisme et du patronat, lui et son gouvernement cogitent actuellement à plein régime sur la façon de faire passer sa réforme du Code du travail par voie d’ordonnances avant la fin de l’été.

« Dialogue social » oblige, la mascarade de la consultation des « partenaires sociaux » s’enchaine au pas de charge avant de passer rapidement aux choses sérieuses. Mais l’orientation est déjà fixée : il s’agit tout simplement de donner au patronat le pouvoir de faire le droit en s’affranchissant une bonne fois pour toutes du « principe de faveur » qui a été au cœur de la construction historique du droit du travail en France.

Une inversion totale de la hiérarchie des normes

Tout d’abord, Macron a promis de mettre fin aux 35h. Avec toutes les possibilités d’aménagement du temps de travail qui se sont empilées avec le temps, à quoi s’ajoute la possibilité de baisser le taux majoration des heures supplémentaires par accord, les 35heures étaient déjà bien mal en point. Macron veut leur donner le coup de grâce.

Sur ce sujet emblématique, comme sur le reste, l’idée est de poursuivre la dérégulation en renvoyant à la négociation d’entreprise le soin de fixer la norme en droit du travail. Car l’idée générale est d’achever l’inversion de la hiérarchie des normes – en donnant la primauté aux accords d’entreprise par rapport aux conventions de branche et à la loi – en la généralisant au-delà du seul sujet du temps de travail.

C’était déjà le projet de la loi travail mais la durée de base du travail restait encore fixée par la loi. De plus certains sujets demeuraient uniquement négociables au niveau de la branche (comme les grilles de minima salariaux) sans possibilités de dérogation dans un sens défavorable au niveau de l’entreprise. Aujourd’hui tout doit disparaître !

Le référendum d’entreprise ou comment donner l’illusion d’une égalité salariés-patron

Et pour être sûr que cette dérégulation puisse être effective, Macron prévoit de contourner le monopole syndical sur la négociation collective en étendant la possibilité d’organiser des référendums d’entreprise. Là où la loi travail donnait la possibilité à un syndicat minoritaire d’initier un référendum, Macron veut pousser la logique au bout en donnant cette possibilité aux employeurs.

On imagine déjà le chantage à l’emploi qui jouera à plein au niveau de l’entreprise pour faire passer toutes les régressions à coups de référendums successifs.

Le référendum d’entreprise est un leurre de démocratie. Les salariés seront placés devant un choix individuel, alors que la défense des intérêts des travailleurs ne peut véritablement se faire que collectivement. Dans ce sens, passer outre les représentants du collectif des travailleurs pour demander l’avis individuel de chaque travailleur, c’est faire croire à la fiction d’une relation égale entre un travailleur et un patron.

Ce projet est ni plus ni moins, que l’aboutissement du déjà ancien projet patronal de « refondation sociale » initié en 2000 par Ernest-Antoine Seillière, ex-président du Medef, de dérégulation généralisé du droit du travail. Il est important que chaque organisation syndicale joue son rôle de défense des intérêts des travailleurs et que Macron ne trouve pas d’alliés syndicaux pour mettre en scène son « dialogue social » et surtout réaliser son projet.

La fusion des institutions représentatives
du personnel

La loi Rebsamen avait étendu les possibilités de fusion des différentes institutions représentatives du personnel dans des délégations unique du personnel (DUP) jusqu’à 300 salariés en y intégrant notamment les CHSCT. Sur ce point Macron veut là aussi aller plus loin en autorisant toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, à mettre en place une DUP.

La fin du compte pénibilité

Autre revendication permanente du Medef depuis 2010 : l’abrogation du compte pénibilité.

C’était la seule micro-avancée du quinquennat Hollande pour faire passer sa réforme des retraites auprès de la CFDT. C’était encore trop pour le patronat. Pierre Gattaz a qualifié la mesure « d’usine à gaz » et insisté pour que le gouvernement « la fasse sauter ». Macron va s’employer à exaucer ses vœux.

Un permis de licencier à moindre coût

De même la question du plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, initialement prévue par le projet de loi travail, et finalement retoquée, devrait faire sa réapparition. Le tribunal n’aurait plus à apprécier le préjudice réel, l’indemnité maximale serait fixée une bonne fois pour toutes. C’est, là aussi, l’aboutissement des désirs du patronat. Pierre Gattaz, président du Medef, plaide ainsi depuis longtemps pour le plafonnement des indemnités prud’homales en mettant en avant « la peur » des chefs d’entreprise.

Concrètement il s’agit pour le patronat de pouvoir anticiper et provisionner ce que coûtera un licenciement abusif pour licencier tranquillement.

À noter que le document de travail du gouvernement paru dans la presse révèle que les termes mêmes de la rupture du contrat de travail (motifs de licenciement, préavis et indemnités) pourraient être modulables et renvoyés à la négociation d’entreprise.

Et la fonction publique ?
Derrière les suppressions de postes,
la casse du statut

Ce projet d’une deuxième loi Travail n’est qu’une première étape avant celui de la casse de la fonction publique. La logique ? Attaquer le droit du travail privé avec la loi Travail 2 et, une fois la loi passée, s’attaquer aux fonctionnaires pour leur appliquer les mêmes mesures en les présentant comme des privilégiés par rapport aux travailleurs du privé. N’oublions pas que c’est cette stratégie qui avait été mise en œuvre pour les retraites, par exemple.

Qu’on ne s’y trompe pas, Emmanuel Macron ne compte pas simplement supprimer des postes comme l’ont fait ses prédécesseurs.

Début février, Macron explicitait son programme : « 500 000 fonctionnaires vont partir à la retraite. Sur la fonction publique d’État et territoriale, 120 000 ne seront pas remplacés ».

Mais il fait également partie de ceux qui pensent que le service public coûte « trop cher à l’État » ou que le statut de fonctionnaire ne serait « plus adéquat ».

La fin des 35h pour les fonctionnaires

Depuis longtemps, nombre de politiques ont comme projet de revenir sur les 35h, y compris pour les fonctionnaires.

Macron ne fait pas exception en la matière, dans son programme, derrière l’idée de développer « de nouvelles façons de travailler » pour les fonctionnaires c’est le temps de travail qui est en ligne de mire.

Sur le Code du travail et en particulier le temps de travail (35h, RTT, congés, etc.) n’imaginons pas que les projets n’ont vocation qu’à s’appliquer au privé.

Le rétablissement du jour de carence

Toujours au nom de l’égalité public/privé, Macron a également promis de rétablir le jour de carence avant d’être pris en charge par l’assurance maladie pour les agents en arrêt.

Outre le fait que la fameuse « égalité » se fait toujours par le bas pour nos thuriféraires de la parole patronale, celle-ci ne tient pas compte de la réalité. En effet une grande partie des entreprises prennent en charge les jours de carence de leurs salariés. Une étude de 2009 intitulée « Protection sociale complémentaire d’entreprise », menée par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, révèle que 66 % des salariés bénéficient d’une prise en charge du délai de carence par leur prévoyance entreprise. En instaurant un jour de carence pour les fonctionnaires, ces derniers seront donc traités comme la minorité de salariés du privé les moins bien indemnisés.

Vers la fin du point d’indice

Concernant les salaires des fonctionnaires, fini aussi la « parenthèse » de 2016 avec une bien faible revalorisation de 1,2 % du point d’indice. A l’issue des premières rencontres entre syndicats de la fonction publique et gouvernement les orientations sont claires : il n’y aura pas de hausse de la valeur du point d’indice en 2017 et un rendez-vous salarial annuel n’est pas envisagé avant 2018.

Suppressions de postes et gel du point d’indice ont tous un air de déjà-vu. Appliqués par les différents gouvernements, du PS de Hollande à la droite de Sarkozy.

Mais, là aussi, il y a plus. Une nouveauté s’est glissée dans le programme de Macron, et, comme l’on dit souvent, le diable est dans les détails. Suite aux rencontres bilatérales avec les syndicats « représentatifs », nous avons appris quelques-unes des « grandes orientations » du gouvernement. Le gouvernement projette de différencier la valeur du point d’indice qui sert à calculer la rémunération des fonctionnaires en fonction des versants de la fonction publique (État, hospitalière, territoriale). En créant trois points d’indice différents, l’enjeu pour Macron est de diviser la fonction publique, pour attaquer là aussi sur des calendriers différents les différents secteurs, fonction publique d’État, hospitalière, et territoriale. Un préalable donc à une remise en cause brutale des acquis de la fonction publique.

Ce que cherche à faire Macron est dans la lignée des politiques et des contre-réformes que nous subissons depuis des années : pousser jusqu’au bout la transformation managériale des secteurs publics, instaurer le modèle de l’entreprise dans les institutions publiques avec son corollaire de « rentabilité », de « performance » et de course à la valorisation, au détriment du service public.

Le rêve final de Macron ? Que le Code du travail broyé par ses réformes soit applicable à la fonction publique.

Que faire ?

Ce scénario n’est pas une fatalité, il ne tient qu’à nous de le faire échouer. Le gouvernement veut aller vite ?

Pour la CNT, le rôle du syndicalisme n’est pas d’écrire avec le gouvernement la pire opération de destruction des acquis sociaux de l’Histoire. Il consiste à s’inscrire dans un rapport de force, celui de la lutte des classes, qui permettra d’imposer nos revendications. Il est nécessaire de faire front pour faire reculer la loi du capital !

Pour la CNT, le rapport de force doit se faire par la mobilisation de
tous et de toutes, en s’organisant dans les syndicats outil social et économique appartenant aux travailleurs et non aux bureaucrates. Le communisme libertaire, projet révolutionnaire porté par la CNT, basé sur la socialisation et l’autogestion des moyens de production, la répartition des richesses produites par ceux et celles qui travaillent, est une urgence sociale, politique, économique et écologique.

La CNT revendique :

➤ Le retrait de la loi travail et autres lois/ordonnances patronales à venir ;
➤ L’amnistie pénale et civile pour l’ensemble des militants condamnés ;
➤ Le renforcement des droits syndicaux en entreprise ;
➤ Un accès aux indemnités de chômage avec un taux de remplacement à 100 % du meilleur salaire ;
➤ l’autogestion des caisses de la sécurité sociale, par les salarié.es eux et elles-mêmes, selon le modèle existant avant les ordonnances de 1967 (qui ont introduit le paritarisme syndicats/patronat) et son financement par le salaire socialisé ;
➤ L’arrêt des exonérations de cotisations sociales patronales ;
➤ Une augmentation significative des salaires ;
➤ Titularisation/CDIsation de tous les emplois précaires (du public comme du privé) ;
➤ Régularisation de tous les sans-papiers et accueil de l’ensemble des migrants.

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